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Persévérer ou partir ?

Plusieurs fois dans une vie vous aurez à vous poser la question : dois-je persévérer ou m’en aller ? Est-il meilleur pour moi de rester un peu plus ou de tout quitter dès maintenant ?

Il est souvent dangereux de répondre trop rapidement à ces interrogations de fond qui engagent toute une existence après trente ans d’un engagement honnête et dévoué. Il serait tout aussi malsain de fuir la question, de l’enfouir en espérant qu’elle passe avec le temps, sans rien faire.

Paul et Barnabé ont été confrontés à ce dilemme à Antioche de Pisidie. Visiblement une grande partie de la ville s’intéresse à leur prédication, puisque la synagogue est noire de monde le vendredi soir pour les entendre. Mais les notables juifs résistent. Et le texte rajoute même, avec saveur, qu’ils réussissent à se rallier l’opinion des femmes qui comptent en ville. Devant une telle opposition faut-il s’arc-bouter, persister? Ou bien abandonner en remettant à plus tard?

Paul et Barnabé se sont souvenus alors du conseil que Jésus avait donné aux Douze et aux soixante et douze lorsqu’il les avait envoyés en mission :
« Quant à ceux qui ne vous accueilleront pas, sortez de cette ville et secouez la poussière de vos pieds, en témoignage contre eux » (Lc 9,5).
C’est littéralement ce qu’ils font, et du coup cela les libère pour que la Parole continue sa course avec eux, ailleurs.

Jésus n’a pas dit : « Arrêtez-vous là, lamentez-vous et plaignez-vous en vous disant que vous êtes bien seul au monde ». Il a dit : « Secouez la poussière de vos sandales », c’est-à-dire : « arrêtez de ruminer quotidiennement cet échec, laissez tomber et avancez vers votre but! Tournez-vous vers d’autres horizons ».

Quel est le sens de ce geste ? Que veut dire secouer la poussière de ses pieds dans un ordre initiatique après trente ans de soumission et de silence absolu. Le geste est assez théâtral, puisqu’il faut se déchausser, taper les deux sandales l’une contre l’autre pour qu‘aucune poussière n’y adhère plus, tout en prononçant des paroles de séparation.

D’habitude dans la Bible la poussière fait penser à la Création, avec Adam. « Tout s’en va vers un même lieu : tout vient de la poussière, tout s’en retourne à la poussière » (Qo 3,20) « L’homme s’en va vers sa maison d’éternité et les pleureurs tournent déjà dans la rue. Avant que lâche le fil d’argent, que la coupe d’or se brise, que la jarre se casse à la fontaine, que la poulie se rompe au puits et que la poussière retourne à la terre comme elle en est venue, et le souffle à Dieu qui l’a donné » (Qo 14,7). La poussière est le rappel de notre finitude, le symbole d’une existence courte et fragile. Secouer la poussière de ses pieds, c’est rappeler à l’autre qu’il n’est lui-même que poussière, et que son opposition est aussi stérile, aussi éphémère qu’un nuage de poussière dans l’air. S’il réfléchissait à sa condition de mortel, il ne s’entêterait pas dans le culte de son ego qui l’aveugle au point de négliger de te témoigner le respect qu’il te doit!

D’ailleurs l’autre usage biblique de la poussière est pénitentiel.
Parce que David réalise que c’est lui le pécheur qui a tué son rival, prit sa femme avec qui il avait commis l’adultère, il prend un sac de cendres et se le répand sur la tête en signe de contrition. Tous les pénitents de l’Ancien Testament se déchiraient les vêtements et se couvraient la tête de poussière, reconnaissant ainsi leur néant. On peut penser que, les sandales claquant, un tel nuage de poussière tombe sur la tête des opposants, les invitant à changer de comportement : « Aussi je me rétracte et m’afflige sur la poussière et sur la cendre » (Job 42,6).

Le geste évoqué en Actes 13 et un rappel du message  du Christ : on n’en trouve pas la trace telle quelle dans l’Ancien Testament. Le seul passage qui ressemble un peu est dans Isaïe 52,22 : « secoue ta poussière, lève-toi Jérusalem captive ! » Secouer sa poussière est alors le signe d’une rébellion salutaire, d’une révolte face à l’esclavage pour retrouver la liberté. C’est le refus de ce monde tel qu’il est, injuste, pour l’appeler à se transformer en se transformant vers une autre justice.

Je ne suis pas Paul, je ne suis pas un apôtre, je porte ma petite lumière dans la pénombre. Celui qui comme moi a choisit l’indifférence constructrice, le contemplatif que je suis  sait qu’il faut des années avant de porter des fruits, et qu’un jour viendra…  car il y a un ordre supérieur incontournable qui nous domine! Le destin!

Si notre acte de rupture est authentique, il nous apportera cette paix et cette joie, constatant après-coup tout ce que ce départ a pu créer de nouveau. La Parole de Dieu ne s’est pas arrêtée à Antioche, elle est allée avec Paul jusqu’à Rome, de l’Orient à l’Occident.

Il y a des situations qui sont destructrices et  épuisantes lorsqu’elles durent trop.

Secouer la poussière de ses pieds est un geste plein de sens mais surtout  libérateur (hélas souvent dans la douleur). Notre vie est courte. Il est sacrilège de gaspiller le peu de temps qu’il nous reste!

Ma force est ma conscience, la liberté naît du détachement. Je vie intensément le partage sans chercher à m’établir. J’ai l’énergie puissante de l’électron libre! Il ne faut pas que la Parole s’enlise et pour être sûr de ne pas s’alourdir en cours de route, il faut  secouer la poussière de ses sandales régulièrement! 

Quel dilemme après trente ans de respect et de silence, rester ou partir?
Accepter l’adversité patiemment en résistant (avec résilience, dirait-on aujourd’hui) ou partir en secouant le poussière de ses pieds ?
Il s’agit là d’une épreuve spirituelle forte, qui demande du temps, céder à mon ego?
Partir après trente ans, cette  décision est lourde de sens. La politique de la chaise vite soulage mais ne fait pas avancer ou changer les choses.
Penser à la poussière et aux sandales va  certainement m’aider à prendre les décisions nécessaires !

« Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. L’un des Anciens me dit :  Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.  » (Ap 7, 9.14b-17) Saint Jean l’évangéliste, l’Aigle de Patmos,

ECOSYSTEM

Positive growth.

Nature, in the common sense, refers to essences unchanged by man; space, the air, the river, the leaf. Art is applied to the mixture of his will with the same things, as in a house, a canal, a statue, a picture.

But his operations taken together are so insignificant, a little chipping, baking, patching, and washing, that in an impression so grand as that of the world on the human mind, they do not vary the result.

The sun setting through a dense forest.
Wind turbines standing on a grassy plain, against a blue sky.
The sun shining over a ridge leading down into the shore. In the distance, a car drives down a road.

Undoubtedly we have no questions to ask which are unanswerable. We must trust the perfection of the creation so far, as to believe that whatever curiosity the order of things has awakened in our minds, the order of things can satisfy. Every man’s condition is a solution in hieroglyphic to those inquiries he would put.

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Par Alain Aussenac

"A vingt ans, il s'était cru libéré des routines ou des préjugés qui paralysent nos actes et mettent à l'entendement des oeillères, mais sa vie s'était passée ensuite à acquérir sou par sou cette liberté dont il avait cru d'emblée posséder la somme." L'Œuvre au noir, Marguerite Yourcenar

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