L’égrégore…

Voilà comment Cornelius Agrippa décrivait le processus alchimique. (1486).

« … Celui qui désire voir ces vérités doit être en possession de la lumière divine de la raison, que très peu seulement possèdent. C’est pourquoi ceux qui tentent de résoudre les problèmes des secrets divins de la nature par la lecture de livres demeureront dans l’obscurité. Ils sont éloignés de la lumière de la raison par l’éblouissement illusoire de leur intellect trompeur. Ils sont fourvoyés par les ruses des influences astrales extérieures et par les erreurs d’imagination. Ils tombent continuellement dans l’erreur en cherchant au-delà de leur propre moi ce qui existe au-dedans d’eux… Au-dedans de nous se trouve le pouvoir qui produit toutes les choses merveilleuses… En unissant les pouvoirs de la nature et en combinant l’inférieur avec sa contrepartie supérieure, les effets les plus surprenants peuvent se produire. Cette science est par conséquent la plus haute et la plus parfaite de toutes ; c’est une philosophie sacrée et exaltante et le point culminant de tout.»

Voilà ou s’opère la transformation de la raison en résonnance!

Au début du mois de juin, les juifs et les chrétiens fêteront la Pentecôte, la descente de l’Esprit Saint. Etre saint, c’est porter en soi la bonté et l’amour. Animés de ces qualités nous sommes porteurs de l’Esprit Saint, qui est descendu sous forme de flamme, de Lumière.

Pour moi, l’Egrégore vise à faire descendre cet Esprit Saint. Mais qu’est-ce l’Esprit Saint ? Derrière ces mots, qui peuvent prendre plusieurs sens, se cache pour nous maçons, un autre mot : Fraternité. L’esprit d’amour fraternel nous donne une force extraordinaire propre à déplacer les montagnes.

Comment atteindre l’Egrégore ? Egrégore un mot jeune pourtant, il apparait au dix neuvième siècle dans l’ésotérisme et la franc maçonnerie. Pourtant, il est fait référence aux égrégores dans le livre d’Enoch;  Les Egrégores sont dans les légendes juives, des anges qui s’unirent aux filles de Seth, lui-même fils d’Adam et engendrèrent des géants. Ils sont appelés ainsi parce qu’établis sur le Mont Hermon, ils jurèrent d’y veiller jusqu’à ce qu’ils aient possédé les filles des Hommes.

Voilà, le cadre est placé. Egrégore, un mot que nous utilisons tout à fait banalement, mais qu’est-ce que c’est ? Dans le Littré ? Aucun résultat correspondant. Dans le Larousse ? Idem !

Voilà ! Un égrégore (ou eggrégore) est, dans l’ésotérisme, un concept désignant un esprit de groupe, une entité psychique autonome ou une force produite et influencée par les désirs et les émotions de plusieurs individus unis dans un but commun. Cette force vivante fonctionnerait alors comme une entité autonome. Ce terme, apparu dans la tradition hermétiste, a été repris par les surréalistes, qui l’ont chargé d’un fort potentiel subversif.

Nous sommes tombés (j’oserais dire, enfin !) dans l’ésotérisme. L’ésotérisme c’est ce qui est caché, c’est un enseignement secret réservé à des initiés.
Nous sommes de l’autre coté du symbole, la partie que l’on ne voit pas mais que l’on devine ou déduit !

Nous sommes dans la table d’Emeraude, « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », nous passons effectivement de la raison à la résonnance.
Nous sommes dans un domaine où rien n’est certain, où tout est perçu où il n’y a pas de vérité mais la connaissance, c’est à dire ce que l’on a soi-même éprouvé.

Voici la définition pour le mot que j’ai trouvée et qui me convient :
Egrégore vient du grec eg-gregoros signifiant « qui sort (ex-) du troupeau (gregoros) ». C’est ce même mot gregoris qui donne en français le terme « grégaire ».
Une autre étymologie supplémentaire vient compléter le sens de ce mot, en ce sens où le grec egregorein signifie « veiller ».
Dans sa compréhension globale l’égrégore est donc l’être (ou la force/puissance) qui sort/émane du troupeau/groupe et qui veille sur ce dernier.

L’Egrégore serait pour moi une entité énergétique qui émane d’un groupe orienté ! Le rituel permet la normalisation et l’orientation du groupe, pour provoquer un état vibratoire harmonieux, dans les limites de l’espace-temps sacré qu’il a permis de générer : pour les francs-maçons Orient/Occident, Septentrion/Midi, Zénith/Nadir. Cet état est un préalable à la manifestation et donc à la perception de l’Egrégore.

L’on manque de recul et de connaissance sur ce terme et son signifié car il est récent. On le voit apparaître ainsi à la fin du 19ème siècle avec Saint-Yves d’Alveydre, Alphonse Louis Constant alias Eliphas Lévi, Stanislas de Gaïta, co-fondateur de l’ordre Kabbalistique de La Rose Croix et Oswald Wirth qui l’a apporté à la Franc-maçonnerie. Ils définissent tous l’Egrégore comme une entité propre constituée de l’ensemble des énergies cumulées de plusieurs personnes vers un but ou une croyance définis par elles.

L’Egrégore est donc issue d’un processus magique, (encore un autre mot que l’on n’a pas l’habitude de voir dans nos rituels).
La magie est une pratique fondée sur la croyance en l’existence d’êtres ou de pouvoirs surnaturels et de lois naturelles occultes permettant d’agir sur le monde matériel par le biais de rituels spécifiques

Les rituels ont aussi un pouvoir spagyrique (qui réconcilie la conscience et la matière). L’Égrégore est le résultat de cette profonde réconciliation alchimique.
La spagyrie est un important processus de soin. (elle est issue des travaux de Paracelse)

« En vérité je vous dis encore que si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera donné par mon Père qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Matthieu 18.19-20. « Ainsi, vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu. » Prière de Saint Paul (Épître aux Éphésiens, III, 19).

C’est la notion de Plérome (plénitude dans son sens commun) qui contient l’unité et la totalité.
C’est l’émotion créatrice qui cristallise la pensée et fait naître l’Egrégore.

Avec l’Egrégore, on est dans le monde de la vibration. En effet, pour qu’elle puisse se produire il faut agréger des forces psychiques pour engendrer un courant spirituel produit par des énergies en harmonie avec son niveau.
Ces énergies sont du domaine du mental, de l’émotionnel et du spirituel.

Lorsque l’Egrégore se manifeste, les ésotéristes parlent d’adombrement. A ce point de la démarche, on prend conscience que l’Egrégore est une entité spirituelle générée par le groupe sous l’action du rituel.
Les membres du groupe sont progressivement adombrés, c’est à dire, spirituellement incorporés à l’Egrégore qu’ils ont créée ou à laquelle ils adhérent ou participent. Il se produit alors un phénomène d’interaction, l’Egrégore agit sur les participants et ceux-ci agissent sur l’Egrégore.

L’on voit donc que celui-ci est d’autant plus puissant que le nombre de membres qui y participent est fort, et surtout que leur engagement dans la cérémonie est fort.
L’Egrégore est donc un esprit de groupe dont les participants sont adombrés et qui sont orientés vers une finalité commune. On peut parler alors d’un phénomène d’inconscient collectif : « Ma thèse est donc la suivante : en plus de notre conscience immédiate, il existe un second système psychique de nature collective, universelle et impersonnelle qui est identique chez tous les individus. Cet inconscient collectif ne se développe pas individuellement, mais est hérité. Il se compose de formes préexistantes, les archétypes, lesquels donnent un sens aux contenus psychiques » Carl Jung.

Il faut aussi se poser la question de la vie de l’Egrégore. Ne serait-ce pas elle qui contribue à la transmission dans le temps, en renforçant notre destinée commune et notre science, comme dans une chaîne intemporelle ?
Comme le dirait René Guénon: «c’est la transmission ininterrompue de l’influence spirituelle à travers les générations successives. »

Déjà Platon parlait du monde des idées. Le monde sensible est subordonné à ce monde. C’est ce qu’on appelle le monde archétypal, les choses et les êtres sont issues de cet éther. Les archétypes selon Carl Jung seraient du domaine de l’inconscient collectif.
Les égrégores relèvent de ce monde archétypal.

Lorsque l’on pratique le rituel et que l’on arrive à provoquer leurs manifestations, on réalise le phénomène que l’on pourrait imaginer en dessinant le sceau de Salomon. Les énergies des individus unifiés nourrissant l’inconscient collectif dans une action remontante et l’inconscient collectif unifiant les individus dans un bonheur partagé.

L’égrégore génère ainsi des pouvoirs nouveaux, inconnus, qui nous transforment intérieurement.
La loge donne naissance à un égrégore nourri par les pensées de ses participants lorsqu’elles se trouvent sur le même plan harmonique, vibratoire qui est en relation elle- même avec l’égrégore de la Franc Maçonnerie et ainsi de suite…

Dans cet objectif, le rite à une importance capitale, chaque mot, chaque silence, chaque attitude, chaque posture, chaque geste nous met en relation, permet de mettre en phase le passé de notre science maçonnique avec son actualité et de nous mettre en totale harmonie avec nos origines primordiales.

La puissance de la mise en œuvre du Rituel, l’adhésion des frères, renforcera l’égrégore, dans l’unité totalité, chacun à sa place et fondu avec les autres

L’Egrégore peut se manifester dans la chaîne d’union fraternelle, elle nous relie au passé, à nos ancêtres opératifs, ces hommes sur le chantier, animés, unis dans le même élan de construction et d’élévation d’un temple magnifique à la Gloire de Dieu et nous projette dans l’avenir de ces maçons spéculatifs qui nous succéderont dans un immense geste d’amour.

Le cercle fermé est formé de nos mains dégantées dans une représentation de l’unité retrouvée.
L’union des forces du haut et du bas peut vivifier la force de notre pensée tournée vers le bonheur de l’humanité.

Nous gouttons alors une immense et bienveillante sensation de plénitude, le Plérome. Nous pouvons alors demandé, la Paix, l’Amour et la Joie, nos cœurs sont remplis d’espoir, de compassion et d’amour.

Max Heindel le fondateur de l’Association Rosicrucienne écrivait : « L’homme, enfin, a atteint une étape plus avancée encore. L’Ego, le Moi, a été éveillé. Au lieu de réfléchir simplement les courants dirigés sur lui et en lui par l’esprit-groupe, l’homme a développé dans une certaine mesure une volonté propre pour accepter ou rejeter ce qui vient à lui. Il apprend à faire sa propre destinée. Faute d’expérience, il a fait beaucoup d’erreurs qui ont été cause de douleur et de souffrances. Il a mal dirigé ses forces et s’est soustrait volontairement à l’influence de l’esprit-groupe. Cela ne veut pas dire que cet esprit ait cessé de tenter d’agir sur nous. Il est aussi actif qu’autrefois ; mais, plus nous employons notre propre volonté, moins nous répondons aux injonctions de l’autorité qui nous a menée si loin. Le but de l’évolution de l’homme ici-bas est de lui faire trouver son équilibre dans le monde physique, et pour y parvenir l’Ego a atteint la Soi-conscience dans le corps physique.

Surveillons nos pas, car nous sommes les auteurs de notre propre destin et nous ne saurions reprocher ni à Dieu ni aux esprits-groupes nos chagrins et nos maux. Nous devons étudier et apprendre les lois de la nature, qui sont les lois de Dieu, et vivre en conséquence. C’est là le seul but des présentes études, apprendre comment il faut faire ».

Comme le disait Henri Bergson « Des âmes privilégiées ont surgi qui se sentaient apparentées à toutes les âmes et qui, au lieu de rester dans les limites du groupe et de s’en tenir à la solidarité établie par la nature, se portaient vers l’humanité en général dans un élan d’amour ».

Nous franc-maçons travaillons à le devenir…